La Cour constitutionnelle du Maroc a rejeté un certain nombre de dispositions clés du nouveau projet de code de procédure civile, ce qui constitue un revers majeur pour le programme de réforme mené par le ministre de la justice Abdellatif Wahbi.
Le mois dernier, le président de la Chambre des représentants a saisi le tribunal de la loi 23.02 afin de s’assurer de sa compatibilité avec la Constitution marocaine de 2011. Bien que le tribunal ait approuvé de nombreuses dispositions du projet de loi, il a annulé un certain nombre d’articles importants, déclarant qu’ils nuisaient à l’indépendance judiciaire, à la clarté juridiqueet au droit à un procès équitable.
Articles rejetés par la Cour constitutionnelle
- Article 17 – atteinte à la stabilité juridique
La Cour a rejeté le premier paragraphe de l’article 17, qui permet au procureur de demander l’annulation des décisions judiciaires définitives. La Cour a déclaré que cela contrevenait au principe de la sécurité juridique, qui est l’un des éléments essentiels du droit à un procès équitable. Elle a estimé que la réouverture d’affaires classées déstabilise les décisions judiciaires. - Article 84 – Signification des citations judiciaires
La Cour a rejeté le quatrième paragraphe de l’article 84, qui autorise la signification des citations judiciaires sur la base de suppositions, telles que l’affirmation que la personne recevant la citation est un mandataire ou un membre de la famille. La Cour a déclaré que cela créait une incertitude juridique et portait atteinte au droit à un procès équitable. - Article 90 – Audiences à distance
La Cour a rejeté le dernier paragraphe de l’article 90, qui autorise la tenue d’audiences judiciaires à distance, par exemple par vidéoconférence. Bien que la Cour ait reconnu l’utilité de ces outils, elle a déclaré que l’article ne prévoyait pas de garanties suffisantes pour protéger les droits des défendeurs et des parties au litige, notamment en ce qui concerne leur pleine participation et leur compréhension de la procédure. - Articles 107 et 364 – Restriction des droits de la défense
La Cour a estimé que le dernier paragraphe des articles 107 et 364 prévoyait que les parties avaient le droit de recevoir des copies des avis juridiques du commissaire royal, sans pouvoir y répondre. La Cour a estimé que le droit à la défense est fondamental pour un procès équitable et que les parties doivent être autorisées à commenter tous les avis ayant une incidence sur l’affaire. - Article 288 – Erreur technique dans l’article juridique
L’article 288 a été déclaré inconstitutionnel parce qu’il se référait au mauvais article juridique. Il se référait à l’article 284, qui indique qui est responsable des clés des portes fermées à clé, au lieu de l’article 285, qui décrit les procédures à suivre lorsqu’un testament ou des documents sont trouvés fermés à clé. - Article 339 – Les décisions judiciaires silencieuses sont inacceptables
La Cour a annulé l’article 339, qui permettait aux juges de rendre des décisions sans fournir de justifications écrites dans certains cas. La Cour a déclaré que toutes les décisions judiciaires doivent inclure une explication juridique, comme l’exige la Constitution, afin de garantir la transparence et la possibilité d’un recours. - Articles 408 et 410 – Excès de pouvoir du ministre dans le transfert des affaires
Les articles 408 et 410 ont été les plus rejetés, car ils accordent au ministre de la justice le pouvoir de transférer des affaires entre les tribunaux ou les régions. La Cour a déclaré que cela violait le principe de l’indépendance judiciaireet pouvait être utilisé pour faire pression sur les juges ou manipuler les résultats. Elle a souligné que les décisions relatives à la gestion des affaires devaient rester entre les mains du pouvoir judiciaire et non du pouvoir exécutif. - Articles 624 et 628 – La justice numérique doit rester judiciaire
Enfin, la Cour a annulé les articles 624 et 628, qui donnaient au ministère de la justice le contrôle de l’infrastructure numérique des tribunaux et le pouvoir de nommer des juges pour l’utiliser. La Cour a estimé que ces responsabilités devaient être confiées au Conseil supérieur de la magistrature, et non au ministère.
Impact de la décision sur les réformes du ministre de la Justice
Cette décision constitue un revers majeur pour le ministre de la Justice, Abdellatif Wehbi, qui dirigeait le processus de réforme. Ces amendements visaient à développer le système judiciaire marocain, mais la Cour constitutionnelle a estimé que certains articles étaient en contradiction avec les principes fondamentaux de la constitution, reflétant la nécessité de réviser certaines réformes pour garantir le respect de l’indépendance du pouvoir judiciaire et des droits individuels.