Le secteur de la santé au Maroc connaît une accélération sans précédent du rythme de la transformation numérique, qui affecte divers aspects de la pratique médicale, de la gestion, de la gouvernance et de la technologie. Si ce changement de paradigme améliore fondamentalement la performance et l’efficacité du système de santé dans son ensemble, il pose également des défis importants liés à la sécurité des données. À mesure que les parcours de soins deviennent plus complexes et que les appareils connectés prolifèrent, le risque de cybermenaces augmente.
Pour discuter de ces défis et d’autres encore, le « Forum international eHealth 2025 » s’est tenu à Casablanca sous le haut patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, sur le thème « De la vision à l’impact » : « De la vision à l’impact : Faire progresser la santé numérique pour tous ». Du 25 au 27 novembre 2025, des représentants du secteur public, du monde académique, de l’industrie et des acteurs de l’innovation ont élaboré une vision commune qui positionne les données comme un « actif stratégique », transforme l’intelligence artificielle d’une idée à une application pratique et fait de la cybersécurité un pilier essentiel de la « souveraineté numérique ».
Le professeur Younes Bejjojo, directeur général de la Fondation Mohammed VI pour les sciences de la santé, a souligné que l’objectif premier de la transformation numérique doit rester centré sur l’humain. La digitalisation n’a de sens que si elle éclaire et améliore la qualité de l’acte thérapeutique, a-t-il déclaré. Il a souligné que la confiance n’est pas un simple ajout secondaire, mais la condition préalable à toute transformation durable, insistant sur la nécessité de « faire de la numérisation un outil au service de chaque patient, permettant d’échanger toutes les données en toute sécurité. » Pour sa part, le professeur Mohamed Adnaoui, président de l’Université Mohammed VI des sciences de la santé, a souligné que ce parcours vise à intégrer la pratique dans les hôpitaux et les cliniques et le parcours du patient dans une pratique entièrement numérisée, y compris le dossier médical unifié et les ordonnances électroniques, assurant un cycle de traitement intégré entre le médecin, le pharmacien et la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS).
La question de la sécurité des données est au premier plan. Hassan Boubrik, directeur général de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), a rappelé que l’organisme gère quotidiennement « d’énormes quantités de données personnelles », ce qui nécessite une mise à jour constante des procédures. Il a rappelé que la sécurité ne se limite pas à des outils et des protocoles, mais repose sur une « véritable culture de la sécurité », soulignant que la vigilance collective est la première ligne de défense. Le général Abdullah Butrik, directeur général de la Direction générale de la sécurité des systèmes d’information (DGSSI), a également abordé la question de la sensibilité des données de santé, qui touchent à la vie privée et aux soins. Il a noté que le décret de 2020 classe le secteur de la santé comme un « secteur vital », imposant des obligations strictes telles que la surveillance permanente et la déclaration obligatoire des incidents. Omar El Saghrochny, président de la Commission nationale de contrôle de la protection des données personnelles (CNDP), a souligné que les données sont avant tout un pari humanitaire : « Nous ne cherchons pas à collecter des données, nous cherchons à guérir les individus ». Il a averti que « la circulation incontrôlée des données affaiblit le citoyen », appelant à la mise en place d’une gouvernance nationale qui garantisse la souveraineté numérique.
En termes d’innovation, Anas Doukkali, directeur du Centre d’innovation en santé électronique, a déclaré que la conférence avait abordé des sujets clés tels que l’intelligence artificielle, l’interopérabilité des systèmes et la souveraineté numérique. Il a révélé qu’un « livre blanc » sur la santé numérique est en préparation, accompagné d’un cadre national dédié à l’IA dans la santé. Mohamed Bennouda, président d’Aba Technology, a souligné que la souveraineté technologique commence par la maîtrise du Hardware, citant l’expérience de la conception du premier thermomètre infrarouge marocain lors de la crise du COVID-19. Zaki Narges, directeur général de Netopia, a conclu la discussion en soulignant que l’objectif national est de construire un système unifié et cohérent, notant que « le citoyen n’aura plus de dossier papier : Tout sera numérisé ». Il a souligné la nécessité pour le Maroc d’avoir ses propres « normes nationales » afin d’éviter la fragmentation et d’assurer la continuité numérique entre tous les acteurs. Enfin, Amal El Falah El Sgrochny, ministre déléguée chargée de la Transition numérique et de la Réforme administrative, a annoncé la création prochaine par le gouvernement d’une « Direction générale de l’intelligence artificielle » pour structurer les politiques publiques et organiser les usages dans ce domaine vital.