L’annonce par le Kenya de son soutien au plan marocain d’autonomie au Sahara, le 26 mai 2025 à Rabat, constitue un virage diplomatique significatif dont la portée dépasse la dimension politique, pour établir une alliance économique, géopolitique et sécuritaire multiforme qui renforce la position du Maroc en tant qu’acteur pivot du continent africain, notamment sur la côte orientale.
Yassine Yacoubi, professeur à l’Université Lyon 2, voit dans cette position un changement qualitatif qui permet au Maroc d’étendre son influence en Afrique de l’Est, et d’exploiter ce partenariat pour construire un nouveau réseau d’influence allant de l’océan Atlantique à l’océan Indien. Le Kenya, première puissance économique d’Afrique de l’Est et membre éminent d’organisations régionales telles que l’EAC et l’IGAD, représente un allié de poids qui peut aider à obtenir un soutien supplémentaire pour la question du Sahara au niveau de l’Union africaine.
L’importance de ce rapprochement s’accroît avec la récente désignation du Kenya comme allié clé non membre de l’OTAN par le Congrès américain, ce qui renforce sa position dans les équilibres géopolitiques du continent et lui donne la capacité d’influencer les positions régionales sur des conflits sensibles.
L’alliance entre Rabat et Nairobi s « étend également à des domaines vitaux tels que l » énergie, la sécurité, l’agriculture, le tourisme et les ports. Elle devrait contribuer à la diversification des échanges entre l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique de l’Est, notamment en ce qui concerne les phosphates et les engrais, d’une part, et le thé, le café et les produits agricoles frais, d’autre part.
Dans sa dimension logistique, le projet conjoint devrait améliorer la connexion des ports marocains (en particulier Dakhla) avec les ports d’Afrique de l’Est (Mombasa, Dar es Salaam, Djibouti, Berbera, Lamu), ce qui pourrait conduire à l’émergence d’un corridor maritime transcontinental qui renforce le commerce et la sécurité maritime, en particulier à la lumière des défis dans la région de la mer Rouge.
En termes de sécurité, l’alliance pourrait évoluer vers un partenariat maritime et de renseignement afin de protéger les routes maritimes des menaces telles que les pirates et la contrebande, avec la possibilité de lancer des manœuvres conjointes et de renforcer l’échange d’expertise militaire.
En définitive, le soutien du Kenya à l’initiative marocaine d’autonomie ne s’inscrit pas seulement dans le cadre de la diplomatie traditionnelle, mais constitue également une porte d’entrée vers une alliance stratégique multidimensionnelle qui renforce la position du Maroc sur le continent et soutient sa stratégie visant à relier les océans Atlantique et Indien par le biais de partenariats intelligents et durables.