La récente déclaration de M. Anand Kumar Srivastava, directeur des opérations de la Nouvelle banque de développement (NDB) des BRICS, sur le souhait du bloc de voir le Maroc y adhérer, a suscité un large débat dans les milieux économiques et politiques. Cette déclaration, faite lors d’un entretien avec Al Sharq-Bloomberg en marge d’un séminaire sur les marchés publics à Rabat, a poussé les experts marocains à exprimer leurs réserves, soulignant que les circonstances actuelles ne se prêtent pas à une démarche de cette ampleur.
Un certain nombre d’analystes économiques ont souligné que l’adhésion actuelle du Maroc à ce bloc économique mondial pourrait être un « pas non calculé », et certains l’ont même qualifiée de « suicide politique et économique », en raison des répercussions négatives qu’elle pourrait avoir sur la trajectoire de développement du Maroc et sa position sur la question du Sahara.
Dans ce contexte, l’économiste Rachid Sari a expliqué que les BRICS souffrent d’un manque de consensus et d’harmonie entre leurs membres, soulignant les tensions géopolitiques aiguës qui caractérisent les relations de certains États membres ; la Russie est engagée dans une guerre contre l’Ukraine, l’Inde est confrontée à une tension permanente avec le Pakistan, tandis que la Chine est en proie à une escalade du conflit économique avec les États-Unis, en plus de différends géographiques avec d’autres pays.
M. Sari a également souligné la position ambiguë d’un certain nombre de pays candidats, tels que l’Arabie saoudite, l’Égypte et les Émirats arabes unis, qui n’ont pas encore décidé de leurs orientations définitives. Quant au Maroc, il y a des considérations politiques évidentes qui empêchent toute évolution dans ce sens, notamment en raison de la tension persistante dans les relations avec l’Iran et de la position hostile de l’Afrique du Sud, qui soutient le Front Polisario et s’oppose à l’intégrité territoriale du Royaume.
M. Sari a souligné qu’il n’est pas possible de parler de l’adhésion du Maroc aux BRICS sans d’abord résoudre ces questions, en particulier la nécessité d’une reconnaissance collective par les États membres, de la Chine à l’Afrique du Sud, de la souveraineté du Maroc sur ses territoires sahariens.
Pour sa part, l’économiste Yassine Alia a déclaré que les circonstances actuelles ne sont pas du tout favorables à l’adhésion du Maroc aux BRICS, notant que le royaume n’a fait aucune demande officielle à cet égard. La nature du groupe, qui comprend des pays en rivalité directe avec les États-Unis, comme la Chine, fait de l’adhésion une décision risquée, a-t-il dit.
Alia a souligné que le Maroc jouit de relations stratégiques avec Washington, et que toute mesure qui pourrait être interprétée comme un rapprochement avec ses adversaires pourrait se refléter négativement sur cette relation, citant l’imposition précédente par l’administration Trump de droits de douane de 10 pour cent sur certaines importations marocaines, où Rabat a préféré rester neutre et ne pas escalader.
En conclusion de son analyse, Alia a souligné que toute acceptation d’une invitation officielle des BRICS à l’heure actuelle serait un risque qui pourrait détruire tout ce que le Maroc a accumulé ces dernières années sur les plans économique et politique, notamment en ce qui concerne sa première cause nationale, le Sahara marocain.